vendredi 4 juin 2010

Autres causes de blocage psychologique

Une autre cause de blocage psychologique est également la remise en cause d'une évidence sensible : la terre ne bouge pas ou alors très localement durant les séismes. Comment concevoir que les continents « flottent » sur le manteau et dérivent ainsi ? Le même problème a certainement dû se poser pour Copemic et Galilée quand ils affirmaient que la Terre tournait autour du Soleil. En tant que planète et sol sur lesquels vit l'homme, la « Terre‑mère » constitue le concept peut‑être le plus sécurisant mis à sa disposition. Remettre en cause la stabilité, pourtant sensoriellement évidente, de cet élément ne s'est pas fait impunément : Galilée et Wegener en auront été les principales victimes.

Voici un autre exemple de théorie mal reçue par la communauté scientifique en raison de la personnalité de son auteur. Thomas Young, après des siècles de domination du concept corpusculaire de la nature de la lumière, fit, en 1804, les fameuses expériences d'interférences montrant sa nature ondulatoire. T. Young est un médecin anglais et s'intéresse à des processus très variés : accomodation de l'oeil, propagation des ondes sonores pour l'audition, irisation des bulles de savon; son talent s'exercera même à une première interprétation de la pierre de Rosette. Mais il n'est pas reconnu en tant que physicien; de plus, la présentation de ses expériences d'interférences n'est pas pédagogique et sera contrée par un notable, lord Brougham, physicien réputé et futur lord chancelier. C'est en France que ses idées seront prises en considération, mais il faudra attendre qu'Arago fasse l'éloge funèbre de Fresnel (1827) pour que la nature ondulatoire de la lumière soit admise.

Viennent se rajouter à toutes les difficultés inhérentes à la méthode scientifique, les déviations liées à l'angoisse du chercheur devant l'inconnu (LEVY‑LEBLOND J.M. (1984) « L'esprit de sel. Science, culture, politique », Seuil, Points sciences) :

‑ La calculite : on nourrit l'ordinateur de chiffres en espérant qu'il conceptualisera à votre place.
‑ Le jargonage : le nouveau phénomène se verra attribuer un terme complexe pour donner l'impression que l'explication viendra bien vite après la description. Nommer, c'est déjà faire reculer l'inconnu. Le piège peut être également de donner aux objets des noms génétiques et pas exclusivement descriptifs. Le chercheur reste enfermé dans cette hypothèse génétique ce qui l'empêchera d'accepter une autre voie. « Les tufs soudés ou ignimbrite ne peuvent pas se mettre en place sous l'eau, car d'après leur définition, ils sont aériens. » Cette réponse péremptoire, fut obtenue d'un géologue minier, responsable de service, alors que j'essayais de lui montrer que ce critère négatif pour la recherche minière (le type de minerai recherché ne peut se former à l'air libre) ne tenait pas et que tout espoir était encore permis, même avec un volcanisme de ce type.

‑ L'extrapolation : il est si facile de poursuivre une droite sur un graphique vers l'origine par exemple. Mais parfois on sort du domaine de validité de l'expérience et cela peut arriver très vite surtout si les échelles sont logarithmiques. L'analyse scalaire est encore trop souvent éludée dans les sciences expérimentales.

Enfin, nous terminerons par les cas de censure (SCHIFF M. (1994) « Un cas de censure dans la science. L’affaire de la mémoire de l’eau », Albin Michel) où la communauté scientifique évite de se poser la question « Et si c'était vrai? ». Les procédés utilisés sont alors les suivants :

- On accuse l'auteur d'incompétence ou de folie. On crie au scandale ou à l'anarchie
- On ne cite pas la théorie
- La discipline se situe aux frontières de plusieurs sciences donc son statut de science n'est pas établie
- On traite l'auteur de fraudeur, d'être un adepte de la magie noire
- On le traite par la dérision.

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