vendredi 4 juin 2010

La logique de l'erreur - Typologie

L'erreur est une déviation par rapport à la vérité, « à savoir les rapports effectifs des choses ou les lois logiques de la déduction » (MOLES A.A. (1990) « Les sciences de l'imprécis », Seuil). Cette errance est créatrice, génératrice à la fois de l'erreur et de la vérité, quand le cheminement conduit vers de nouvelles connaissances. La vérité, en effet, se construit peu à peu en luttant contre les erreurs possibles, en explorant toutes les voies et en éliminant celles qui conduisent à des impasses. L'erreur est inséparable de la recherche du vrai, puisque l'une n'a pas de signification sans l'autre. L'invention suppose deux phases : la création d'une forme nouvelle et sa mise en congruence avec la logique universelle. La première phase est certainement la plus difficile mais aussi la plus valorisante. « Il est moins besoin de penser juste, il est nécessaire de penser neuf » (MOLES).

Le cas de l'erreur dite matérielle est un peu différent. L'erreur est ici déviation par rapport à une vérité connue, à des normes établies, erreur de calcul, de raisonnement déductif, de méthodologie bien établie, d'observation... L'erreur sera reconnue comme l'ennemi de la Vérité et du Bien et sera sanctionnée comme telle. C'est ainsi que, tous les ans, un fort pourcentage d'élèves sera dégoûté des mathématiques et complexé à vie pour avoir été confronté à l'erreur matérielle. Si les mathématiques étaient enseignées, non pas comme une vérité indiscutable, mais comme un ensemble de connaissances à découvrir, l'erreur changerait alors de statut. De matérielle et complexante, elle deviendrait génératrice de compréhension. Le droit à l'erreur serait ainsi rétabli, car nécessaire à l'acquisition de connaissances qui seraient alors vraiment assimilées.

Il est également des erreurs qui sortent du lot commun et jouent un rôle particulier dans l'avancée (ou le recul) de la science. Certaines sont particulièrement fécondes et même fondatrices de disciplines à part entière, d'autres sont fatales et discréditent à jamais leur auteur, d'autres encore résistent au passage des siècles et doivent attendre le changement de paradigme qui les éliminera, en bouleversant les structures mentales. Elles feront l'objet des deux billets suivants.

Il est possible aussi de distinguer des degrés dans l'erreur suivant l'écart reconnu à une certaine norme de rationalité :

- Les théories adhérentes qui furent vraies pendant longtemps et restent d'excellentes approximations. Par exemple, la relativité galiléenne sera remplacée par la relativité einsteinienne. Il s'agit souvent d'une question de champ de validité et parfois la limite n'est pas facile à déterminer car située dans un domaine inattendu.
- Les théories différentes à forte logique interne, comme celle de Lesage évoquée précédemment (utiliser la recherche par mot-clé pour retrouver le billet) ou les théories alternatives à la relativité généralisée d'Einstein dont le seul avantage est d'être plus simple mathématiquement. Dans le cas de Lesage, l'argument décisif prouvant la fausseté a été trouvé par Poincaré. Pour les théories alternatives, aucune preuve n'a pu encore être amenée.
- Les théories aberrantes, résultat d'une imagination hors norme, souvent bien construites mais qu'une réflexion rigoureuse permet de déstabiliser : la Terre creuse, le soleil froid, l'atome pneumatique...
- Les théories sidérantes : elles ont la saveur et la couleur de la science, mais ce n'est pas de la science. Le message délivré est sans signification et relève de la mystification.

L'étude des erreurs passées est formatrice dans le sens où, bien sûr, elle évite de reprendre les mêmes impasses - nous verrons bientôt ce que coûte la non prise en compte de ce point ‑ et où elle permet d'aiguiser l'esprit critique de l'étudiant, de le sortir de sa passivité devant un savoir dogmatique et de lui redonner confiance en soi.

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