mardi 11 mai 2010

1- Certains résultats semblant infirmer la théorie seront, souvent inconsciemment d'ailleurs, écartés par le chercheur. Quel étudiant n'a pas, un jour en toute bonne foi, éliminé des points qui lui paraissaient aberrants sur un graphique.
2- Tout critère de réfutation appartient par définition au cadre conceptuel de la théorie attaquée. Restera‑t‑il recevable dans celui de la nouvelle théorie ? Non, si le changement de théorie est suffisamment profond pour correspondre également à un changement de paradigme (cadre général conceptuel). « Ainsi la découverte de coquilles fossiles sur une montagne ne prouve la variation du niveau des mers [ou l'élévation des chaînes de montagnes] que si l'on accepte la théorie de l'évolution. Pour un adepte du créationnisme, la Terre peut très bien avoir été créée d'un coup avec ses fossiles tout prêts! ». Le critère d'évaluation d'une théorie dépend de la signification du fait qui dépend elle aussi d'un cadre théorique. Heureusement que les changements de paradigmes (cadres de pensée) sont beaucoup moins fréquents que les changements de théories.

Les vérifications des conséquences peuvent être expérimentales mais aussi observationnelles quand l'expérience n'est pas réalisable et c'est le cas dans la plupart des sciences naturelles. Il s'agit alors de collecter le plus grand nombre de faits allant dans le sens de la nouvelle théorie. La logique de la preuve n'existe en fait que dans les mathématiques. Même dans les sciences expérimentales, trouver l'expérience cruciale qui prouvera sans conteste la véracité de la théorie est difficile et peu fréquent. Alors on va accumuler des expériences aux résultats plus ou moins ambigus et les statistiques feront le reste. Les preuves seront amenées de façon progressive et ne seront en fait jamais définitives. Certains vont même jusqu'à donner un petit coup de pouce aux statistiques pour faire émerger des résultats significatifs pour la nouvelle théorie. Mendel, sans doute inconsciemment et on lui pardonne puisqu'il avait raison, a utilisé ce procédé car les expériences qu'il avait menées ne pouvait conduire de manière fiable aux célèbres proportions qui ont été à la base de la génétique. Les poids respectifs des résultats expérimentaux comme les faits d'observation sont donc eux aussi susceptibles d'être influencés par la théorie : l'objectivité est un concept difficile à mettre en oeuvre.

Dans ce sens, le critère le plus souvent employé pour la validation des résultats expérimentaux est celui de la reproductibilité de l'expérience. Dans les sciences observationnelles, cela se traduit par la recherche de faits significatifs les plus nombreux possible. Dans le cas où l'on cherche vraiment à reproduire les expériences pour qu'elles valident une théorie (dans le cas contraire, on essaie d'invalider une théorie gênante), on peut se trouver confronté à des protocoles délicats et complexes :

1- Newton avait décomposé la lumière et analysé le comportement des différentes couleurs à l'aide de prismes. Pendant un demi‑siècle, ses détracteurs ont contesté la reproductibilité de l'expérience car ils utilisaient des prismes de mauvaise qualité et ne les plaçaient pas de manière suffisamment précise.
2- L'expérience de la balance de Coulomb n'a jamais pu être reproduite, car très délicate. Elle est pourtant à la base de l'électro-statisme et de la fameuse loi en 1/r2.

Le critère de reproductibilité n'est pas infaillible, surtout dans le domaine les sciences de la vie où la variabilité est une condition justement vitale. Il ne doit donc pas être utilisé sans discernement pour invalider une théorie. Un ancien ministre de la Recherche disait fort à propos: « S'il se présentait au CNRS, Dieu serait collé. Il a fait une manip intéressante, mais personne n'a jamais réussi à la reproduire. Il a expliqué ses travaux dans une grosse publication, il y a très longtemps, mais ce n'était même pas en anglais et, depuis, il n'a plus rien publié. »

La logique de la preuve peut même parfois, dans des cas extrêmes, devenir stérilisante, quand les instances scientifiques exigent d'affiner le protocole d'expériences déjà concluantes, mais gênantes, ou d'obtenir une plus grande quantité de l'élément découvert pour confirmation. Ainsi, l'obtention d'un gramme de radium demanda à Marie Curie une dizaine d'années d'efforts sans avancée théorique.

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