jeudi 20 mai 2010

Rejet, oubli et redécouvertes

Le rejet d'une théorie peut advenir de trois manières différentes :
‑ Par la réfutation (la voie de recherche est sans issue). Des arguments incontestables ont été trouvés permettant d'écarter la théorie. Ces théories fausses sont plus ou moins tombées dans les oubliettes de l'histoire, mais il est bon d'en exhumer quelques unes par souci pédagogique, comme nous le verrons plus loin au paragraphe consacré à la logique de l'erreur.
‑ Par la censure (la voie est en sens interdit). On ne saura jamais si la théorie était vraie ou fausse car les autorités scientifiques ont dénié toute signification aux expériences et ont bloqué tout développement ultérieur. La théorie était trop gênante car semblant remettre en cause un pan important de la science officielle, alors qu'elle tentait une ouverture, vers un nouveau champ de recherche encore inexploré : mémoire de l'eau avec une ouverture vers le domaine d'organisation mésoscopique de la matière, même si les explications fournies ne semblent pas suffisamment étayées, biomagnétisme prenant en compte les interactions des ondes BF avec l'organisme vivant...
‑ Par le manque de preuves décisives ou d'explications probantes (la voie est submergée momentanément). En fait, la théorie après une période plus ou moins longue de mise en quarantaine, sera finalement acceptée car de nouveaux éléments plus décisifs seront mis en évidence. Le nombre de théories ou lois, ainsi étouffées pendant quelques dizaines d'années, est historiquement important. Ce phénomène, sous couvert d'arguments méthodologiques, illustre bien la résistance fréquente de la communauté scientifique aux découvertes. La prudence se convertit alors en frilosité. En voici quelques exemples parmi d'autres : la théorie de Wegener sur la dérive des continents, l'observation des taches solaires d'Alfvén, la théorie ondulatoire de la lumière de Young, l'induction électromagnétique de Faraday tant que la théorie de Maxwell ne fût pas établie (le fait n'existe pas sans l'explication), les microbes de Pasteur, les gènes 'sauteurs' de Mc Clintock...

Le cas le plus édifiant est sans doute celui de la théorie atomiste. Le concept d'atome (BALIBAR F., « L'atome de discorde », Science et Avenir, Nov.92) élaboré par les grecs Leucippe et son élève Démocrite (V ème siècle av. J.C.), repris par Epicure (III ème av. J.C.), attendra deux millénaires et cinq siècles pour être adopté par la communauté scientifique, grâce à la contribution d'Einstein et Perrin au début du siècle dernier. L'idée de l'atome a d'abord été très utile en chimie pour expliquer la loi des proportions définies. Mais déjà une controverse s'instaure entre les partisans de l'atome réel avec Galton (1820) et ceux d'un équivalent d'une unité de réaction chimique, comme Davy. Au XIX ème siècle globalement, suivant Kékulé, le concept d'atome est utile mais relève de la métaphysique, tel que le concevaient les grecs. La position des savants positivistes, tel que Berthelot, est d'ailleurs claire sur ce point : l'atome n'est pas observable ou mis en évidence expérimentalement, donc il n'existe pas. Dans le même temps, l'atome est défendu par des physiciens héritiers de Newton, comme Boltzmann et Maxwell qui développent la mécanique statistique, discipline ayant pour but d'établir un lien entre le microscopique (comportement des molécules) et le macroscopique (chaleur, pression, ... ). Ils se heurtent alors aux énergétistes qui ne voient guère l'utilité (contrairement à la chimie) du concept d'atome. Par exemple, Ostwald voit l'atome comme une fiction mathématique, mais le continu et la différentiabilité sous‑jacents aux équations différentielles, piliers de la physique, sont‑ils plus réels que le discontinu de l'atome? Ces tensions sortent même du cadre de la science et la remise en cause du mécanisme lié à l'atomisme atteint la science elle‑même dans sa validité. Boltzmann ne pourra le supporter et se suicidera en 1906.
La mise en évidence de phénomènes liés à la présence d'atomes débute par la découverte de Brown, botaniste, en 1828, de l'observation du mouvement erratique de grains de pollen dans l'eau. Mais son interprétation erronée du phénomène, pour lui le grain est mobile de manière intrinsèque, n'apportera pas de contribution à l'atomisme. C'est Einstein, en 1905, atomiste convaincu, qui s'intéressant aux travaux de Boltzmann sur les fluctuations autour d'une valeur moyenne, dues au grand nombre de particules, interprète correctement le mouvement brownien du pollen comme le résultat de l'agitation des molécules du liquide. Cette vision discontinue de la réalité physique l'amènera, d'ailleurs la même année, à prouver par l'effet photoélectrique, la validité de la théorie de Planck (1900) sur les quanta de lumière. Par la suite, Perrin de 1900 à 1911 expérimente (sur une idée de Langevin) à partir de suspensions colloïdales. Il en déduira la nature du mouvement brownien, la valeur du nombre d'Avogadro et la réalité moléculaire. Il faudra néanmoins attendre 1980, avec le microscope à effet tunnel, pour voir réellement les atomes. L'atome existe donc bien mais la vision mécaniste qui a soutenu l'atomisme sera désavouée dès le début du siècle dernier par la relativité avec la suppression de l'éther et par la mécanique quantique avec la dualité onde‑corpuscule. Atomisme et énergétisme était donc, comme souvent, deux facettes complémentaires d'une même réalité toujours complexe.

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