lundi 17 mai 2010

Les controverses (suite)

3- La controverse de l'origine des micro‑organismes, par génération spontanée (Pouchet) ou par reproduction d'organismes déjà existants (Pasteur) s'est développée quant à elle à partir de difficultés expérimentales et de l'interprétation des résultats obtenus. Nous retrouvons là le problème de la reproductibilité. Pouchet n'a pu refaire les expériences probantes. Probantes avec un peu de chance, puisque les milieux utilisés par Pasteur ne contenaient pas d'organismes résistants aux conditions de stérilisation employées (dessication, ébullition) contrairement aux milieux utilisés par Pouchet. Bref, Pasteur avait raison mais Pouchet n'avait pas tort.
Bastian, un anglais, essaiera de défendre la théorie de la génération spontanée en mettant en avant l'existence de ces microbes résistants et forcera ainsi Pasteur à continuer ses recherches sur les problèmes de stérilisation. Ce sera Tyndall, également anglais, qui trouvera la forme résistante de bacille (spore de Bacillus subtilis) et cédera son résultat à Pasteur. La controverse aura donc eu le mérite de forcer les protagonistes à approfondir leurs recherches et se soldera par des améliorations significatives de la pasteurisation, telle qu'elle est pratiquée depuis. Nous voyons également que c'est l'idée théorique nouvelle de Pasteur, mise au goût du jour par d'autres expériences, qui l'emportera malgré des résultats expérimentaux ambigus et contradictoires (chez l'infortuné Pouchet, les flacons stérilisés contenaient des germes résistants à la chaleur ce qui l'a conduit à maintenir l’idée de la génération spontanée).

4- La théorie de la dérive des continents a été élaborée par Wegener en 1912. Auparavant, pour expliquer les similitudes de terrains et surtout de faunes existant de part et d'autre des océans, on faisait appel aux 'ponts continentaux' sorte de passerelles reliant les continents. Par des arguments transdisciplinaires (géologie, géophysique, biologie, paléontologie), il établit qu'à un moment donné de l'histoire géologique, il n'y avait qu'un seul grand continent, par la suite disloqué pour donner les continents actuels.
La controverse ne se situera pratiquement pas sur les preuves observationnelles mais se développera en raison de la faiblesse de l'argumentation relative au moteur de la dérive. Il s'agit là d'un travers bien connu, surtout dans les sciences naturelles où l'expérimentation n'est guère possible, qui veut que les faits n'existent pas s'ils ne sont expliqués, soit par la théorie en vigueur soit par une théorie nouvelle. J'ai personnellement entendu deux remarques de ce genre, alors que les faits observationnels existaient et étaient recevables :
- Le remplissage des gîtes minéralisés filoniens ne peut se faire par la surface car la théorie indique des températures élevées (> 120°C).
- Les roches volcaniques de type « ignimbrite » ne peuvent pas se mettre en place sous l' eau parce que la théorie physique actuelle affirme que c'est impossible.
En résumé, on ne comprend pas, donc ça n'existe pas. Seul, Einstein pouvait se permettre de dire et encore sous forme de boutade, que si les faits venaient à contredire sa théorie de la relativité générale, il serait près à penser que c'était Dieu qui avait tort! Wegener a donc été confronté à ce comportement quelque peu irrationnel et surtout à certains blocages psychologiques liés au fait qu'il était météorologue et non pas géologue. On admet rarement qu'une découverte soit faite par une personne dont ce n'est pas la spécialité. Et pourtant, les exemples célèbres ne manquent pas ne serait-ce que Pasteur qui était chimiste et Darwin qui était géologue.
Il est vrai que la dérive n'a été réellement vue et expliquée que grâce à des techniques d'investigation du fond des océans (dorsale médio‑océanique) bien après que Wegener eût disparu dans les brumes du grand Nord en 1930. Toute la communauté des géophysiciens a alors basculé, une fois l'explication trouvée, sans pour autant reconnaître les apports de Wegener! C'eût été sans doute reconnaître également un ostracisme que Wegener n'avait vraiment pas mérité.
« Ce que quiconque peut voir n'exige pas l'appui de l'opinion des autres et, avec celui qui ne veut pas voir, il n'y a rien à faire » Wegener.

5- La controverse qui opposa Galilée aux autorités religieuses est sans doute la plus connue car, non contente de révéler un changement de paradigme important - la Terre et donc l'homme n'est plus au centre de l'Univers, elle illustre une passation de pouvoir (une forme liée au savoir) de l'Eglise aux laïcs. Les autorités religieuses auraient, semble‑t‑il, plutôt encouragé Copernic à faire état de son hypothèse héliocentrique. Mais Galilée tenta d'imposer ce concept en apportant des preuves expérimentales, ce qui était fort nouveau. Il ne s'agissait plus alors d'une cosmologie parmi tant d'autres. L'Eglise a bien compris la nuance et d'ailleurs ses objections sur les preuves n'étaient pas toutes infondées. Galilée n'était pas infaillible, sa théorie des marées était fausse et la preuve du mouvement terrestre n'a été apportée que deux siècles plus tard par Foucault avec son pendule.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire