lundi 11 janvier 2010

L'enjeu d'une histoire des sciences

La résolution innovante de problèmes posés dans l'industrie, travail attendu de tout ingénieur, nécessite une certaine aisance dans la manipulation des concepts scientifiques et une reconnaissance de leur adéquation aux problèmes concrets. Cette proposition peut être illustrée comme suit :

Phase I d'induction : du problème concret à la reconnaissance des concepts adaptés au problème
Phase II de modélisation : des concepts à la formalisation (domaine de validité)
Phase III de déduction : de la formalisation aux solutions formelles (résolution)
Phase IV de savoir-faire : des solutions formelles aux solutions applicables et commercialisables (innovation).

Le savoir‑faire, bien que transmis au cours des études, surtout si elles sont connectées avec le milieu industriel, reste néanmoins le privilège de l'expérience.
La phase déductive, souvent liée à la simulation, est largement enseignée par le biais des mathématiques et, maintenant, bien automatisée grâce à la puissance de calcul des ordinateurs.
La phase modélisation ne fait l'objet pour l'instant que d'un enseignement spécialisé et de haut niveau (certaines grandes écoles, départements de mathématiques appliquées en faculté).
Quant à la phase inductive, correspondant à la phase de positionnement du problème,
elle est le plus souvent passée sous silence. A l'école, on n'apprend pas à poser un problème avec des données d'entrées surabondantes et souvent imprécises ou sujettes à caution.

Au XIX ème siècle, le métier d'ingénieur alliait le scientifique au technique et une seule et même personne pouvait et se devait d'enchaîner harmonieusement les quatre phases.
Au XX ème siècle, les ingénieurs, confrontés à des calculs de plus en plus complexes, ont privilégié les phases III et IV, dérivant ainsi vers la technicité et laissant aux scientifiques le soin de résoudre les phases I et II.
Il semble néanmoins que, depuis les années 80, l'ingénieur, libéré des calculs par l'ordinateur, poussé vers l'innovation par des contraintes de concurrence de plus en plus fortes et peut‑être aussi un peu déçu par le manque d'adéquation au concret des solutions apportées par les scientifiques, reprenne en main les phases d'induction et de modélisation.
Cette évolution a été anticipée d'une vingtaine d'années par quelques catégories d'ingénieurs, polyméristes, géologues, agronomes, dont le sujet d'étude demandait une intuition nourrie d'une longue expérience, une maitrise des changements d'échelle au sein de systèmes complexes et compliqués (la complexité est liée au manque d'information) et la prise en compte d'un facteur souvent éludé, le temps.
Il faut donc adapter le type d'enseignement dispensé au nouveau métier d'ingénieur.

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