mercredi 5 mars 2014

Emergence d'une science : la chimie moderne avec Lavoisier (2/2)

2° Ensuite, son parcours scientifique assez éclectique associé à une large ouverture d’esprit : il s’adonne en effet au départ à des recherches en géologie (comme Darwin d’ailleurs) et c’est dans le cadre d’études en sédimentologie qu’il s’intéresse à l’analyse chimique de certaines roches. Il demandera dans un premier temps à l’Académie de créer une chaire de physique expérimentale et se tourne vers des travaux sur la chaleur et les états d’agrégation de la matière. Il en arrive ainsi à travailler sur des réactions telles que la décomposition et la formation de l’eau à partir de l’oxygène et de l’hydrogène, ce qui porte un coup fatal à la théorie des quatre éléments (air, eau, feu, terre) héritée d’Empédocle et reprise par la suite par Platon, Aristote et par les alchimistes et chimistes jusqu’au XVIIIème. Cette expérience sur l’eau est venue de l’intérêt de la communauté pour le développement des aérostats, surtout celui de Charles gonflé à l’hydrogène. Il fallait produire ce gaz en quantité et l’une des manières est de décomposer l’eau en oxygène et hydrogène. Ses travaux sur la chaleur et la combustion l’amènent également à considérer l’air comme un corps composé dont un des éléments permet la combustion. Il n’y a donc plus besoin de la théorie du phlogistique, substance jusque là invoquée pour expliquer les combustions.

3° Un autre élément essentiel sera aussi les techniques de mesure employées par Lavoisier. Sa fortune personnelle sera mise à contribution pour obtenir des instruments de recueil et de pesée très sophistiqués pour les gaz, constituants jusque là peu pris en compte et mal quantifiés. Ses mesures précises lui permettront de démontrer la conservation de la matière lors des réactions chimiques.

4° La nouvelle nomenclature des substances chimiques permet de couper les ponts avec la chimie ancienne. Les termes reflètent la composition en corps simples et éliminent le phlogistique. Les principes de dénomination restent valables encore de nos jours.
L’histoire se termine pour Lavoisier de manière dramatique puisqu’ il sera guillotiné en tant que fermier général en 1794.

Emergence d'une science : la chimie moderne avec Lavoisier (1/2)


Au milieu du XVIIIe siècle, Lavoisier établit les fondements de la chimie moderne. Pour comprendre cette révolution, il faut définir les concepts et les enjeux qui guidaient auparavant la chimie et ce qui la distinguait de la physique. En 1699, Fontenelle, énonce cette distinction : "La chimie, par des opérations visibles, résout les corps en certains principes grossiers et palpables, sels, soufres, etc. mais la physique, par des spéculations délicates, agit sur les principes comme la chimie a fait sur les corps; elle les résout eux-mêmes en d'autres principes encore plus simples, en petits corps mus et figurés d'une infinité de façons."
En clair, la chimie s'occupe des réactions qui transforment les corps en d'autres corps et la physique essaie de comprendre les interactions entre corps dont l'intégrité est maintenue. La notion la plus importante est alors l'affinité qui détermine quels corps peuvent se combiner entre eux pour en former de nouveaux. On essaie en fait de comprendre pourquoi une réaction est possible. Cette compréhension définitive viendra de la physique quantique qui explique le comportement des électrons. Deux étapes intermédiaires ont été nécessaires entre temps : la quantification des réactions qui a permis à Lavoisier de définir le concept de corps simples puis la construction du tableau de Mendeleïev qui ordonnait non plus les corps simples mais les éléments chimiques suivant de grandes familles dont le comportement chimique était analogue. 

Voyons quelles sont les conditions qui ont permis à Lavoisier de faire entrer la chimie dans les sciences modernes. 
1° Tout d’abord son métier : il était fermier général, c’est à dire qu’il était en charge de la perception des impôts dans sa région. La trésorerie et les bilans comptables afférents n’avaient pas de secret pour lui. Cette compétence, il la mettra en œuvre lors de son passe-temps qu’était la chimie : il fera des bilans de matière en pesant méthodiquement tous les ingrédients entrants et sortants d’une réaction chimique y compris les gaz. Il démontrera ainsi que rien ne se crée et rien ne se perd, qu’il y a en fait recombinaison des constituants de la matière qui deviennent alors des corps simples et que ces corps simples ne sont pas affectés lors de la réaction chimique. Ce transfert de méthode d’un domaine à un autre s’appelle la bisociation et représente l’une des clés de la créativité.