vendredi 19 mars 2010

Vie d'une théorie - Validation et réfutation

Reprenons les étapes idéales de la méthode expérimentale qui prévaut actuellement :

a) Mise en évidence de faits contraires à la théorie admise
b) Formulation d'hypothèses théoriques et déduction des conséquences observables
c) Vérification expérimentale de ces conséquences, ce qui conduira au rejet ou à la validation de la nouvelle théorie.

Cette méthode est très efficace, si on lui apporte les nuances suivantes :

a) Il est reconnu que le fait empirique n'existe, qu'exceptionnellement, tel quel à l'état brut. Si le chercheur n'est pas préparé, dans un cadre conceptuel particulier, à voir un fait, il ne le verra pas car ce fait sera non significatif dans ce cadre. On ne peut que trier dans la masse des faits, chercher et retenir ceux qui sont porteurs de sens.
L'exemple personnel suivant en est une bonne illustration. Une étude de formations rocheuses avait été entreprise, en Bretagne, pour la recherche minière. La description des types pétrographiques, en lame mince, avait donné une origine sédimentaire pour les échantillons. Passionnée de volcanologie et motivée par la présence éventuelle de minerai (Au, Ag, Cu, Pb, Zn, ...) associé à des roches volcaniques, j'ai repris l'étude de ces roches. La composition minéralogique et chimique étant la même dans ce cas précis entre roches sédimentaires et volcaniques, seule la texture microscopique pouvait permettre de trancher. En fait, cette texture était visible pour tout observateur pétrographe et si elle n'a pas été prise en compte c'est parce qu'elle n'a pas été reconnue comme significative dans le cadre sédimentaire. La confirmation de textures volcaniques plus caractéristiques a ensuite été obtenue, après un an de recherche systématique, et avec une technique contraire aux habitudes puisqu'il fallait légèrement dérégler la mise au point du microscope. Cette deuxième phase relève d'ailleurs plutôt de la vérification des conséquences observables de la nouvelle hypothèse génétique.

Un autre exemple est cette fois‑ci dramatique d'un point de vue humain. Il s'agit du syndrôme de l'enfant battu. Les faits décrits, fractures multiples des os chez les jeunes enfants, sont visibles en radiographie et donc non contestables. Décrit dès 1860, commencé à être étudié en 1938, publié à partir de 1946, ce n'est qu'en 1962 que ce phénomène sera pris en compte par l'académie américaine de pédiatrie qui révèlera 749 cas d'enfants battus. L'opinion publique va s'en émouvoir et en 1976, le nombre de cas se chiffre par centaines de milliers. Le fait avait beau être objectif, visible à la radio, il ne sera pris en compte par les scientifiques qu'une fois reconnu par la société comme un problème important de santé et d'hygiène publique. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

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