mercredi 12 février 2014

La définition de la science a évolué avec le temps.


 La théologie est considérée comme une science au XIIIème siècle :
Il nous paraît curieux que la théologie ait pu être considérée à un moment donné comme une science et qui plus est, la plus importante de toutes. Dieu fait en effet partie du domaine de la croyance depuis le siècle des lumières et quand son existence est prise en compte, il est considéré seulement comme le mystérieux organisateur de l’Univers. Pour bien comprendre le statut de la théologie au milieu du XIIIème, il faut considérer l’évolution de l’enseignement et du corpus des connaissances au moyen âge.
L’enseignement au début du moyen-âge est réservé aux clercs et se pratique essentiellement dans les monastères. Les premières universités ne voient le jour qu’au XIIème pour Bologne et au début du XIIIème pour Paris, Valence, Toulouse, Oxford et Naples. L’enseignement est alors divisé est deux parties le trivium (grammaire, rhétorique, logique) et le quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie). Cet héritage a été transmis par Boèce (VIème) et représente ce qui reste de la science antique puis par les musulmans syriens et perses qui commenteront et développeront certaines disciplines (algèbre). Au milieu du XIIIème, l’œuvre d’Aristote vient compléter ces connaissances. Cette nouvelle philosophie et nouvelle science représente une menace pour la hiérarchie ecclésiastique car elle introduit une vision du monde contraire aux Ecritures : pour Aristote le monde est immortel et n’a pas été créé par Dieu qui n’en est que le moteur, la cause dernière de tous les changements. De plus l’homme n’est pas affilié à Dieu, ce qui remet en question les fondements de la chrétienté. L’université de Paris sera la dernière à accepter l’enseignement d’Aristote.  

Boèce est le commentateur le plus ancien à placer la théologie au sommet de la hiérarchie des sciences. Deux traditions fondées sur le livre : la Bible d’un côté, les écrits d’Aristote de l’autre concourent à cette vision des choses. La science est alors considérée comme la méthode pour accéder à la Vérité que cette dernière soit révélée (la Bible) ou bien qu’elle procède du raisonnement humain (écrits d’Aristote). Une citation de Saint Thomas d’Aquin illustre bien cette approche : « Je réponds que la théologie est une science. Mais il faut savoir qu’il y a deux genres de sciences. Les unes procèdent de principes connus par la lumière naturelle de l’intellect, comme l’arithmétique, la géométrie, etc… Les autres procèdent de principes connus à la lumière d’une science supérieure, …, à savoir la science possédée par Dieu et par les bienheureux. » (Somme théologique). Cette définition très large de la science sera abandonnée quelque temps plus tard. Quand aux critères pour définir la science tels que celui de la réfutabilité, ils ne viendront que bien plus tard au XXème siècle (Popper).
Ce billet est largement inspiré des Eléments d’histoire des sciences, sous la direction de M. Serres, Bordas.