La théologie est considérée
comme une science au XIIIème siècle :
Il nous paraît curieux que la
théologie ait pu être considérée à un moment donné comme une science et qui
plus est, la plus importante de toutes. Dieu fait en effet partie du domaine de
la croyance depuis le siècle des lumières et quand son existence est prise en
compte, il est considéré seulement comme le mystérieux organisateur de
l’Univers. Pour bien comprendre le statut de la théologie au milieu du XIIIème,
il faut considérer l’évolution de l’enseignement et du corpus des connaissances
au moyen âge.
L’enseignement
au début du moyen-âge est réservé aux clercs et se pratique essentiellement
dans les monastères. Les premières universités ne voient le jour qu’au XIIème
pour Bologne et au début du XIIIème pour Paris, Valence, Toulouse, Oxford et
Naples. L’enseignement est alors divisé est deux parties le trivium (grammaire,
rhétorique, logique) et le quadrivium (arithmétique, géométrie, musique,
astronomie). Cet héritage a été transmis par Boèce (VIème) et représente ce qui
reste de la science antique puis par les musulmans syriens et perses qui commenteront et
développeront certaines disciplines (algèbre). Au milieu du XIIIème, l’œuvre
d’Aristote vient compléter ces connaissances. Cette nouvelle philosophie et
nouvelle science représente une menace pour la hiérarchie ecclésiastique car
elle introduit une vision du monde contraire aux Ecritures : pour Aristote
le monde est immortel et n’a pas été créé par Dieu qui n’en est que le moteur,
la cause dernière de tous les changements. De plus l’homme n’est pas affilié à
Dieu, ce qui remet en question les fondements de la chrétienté. L’université de
Paris sera la dernière à accepter l’enseignement d’Aristote.
Boèce est le commentateur le
plus ancien à placer la théologie au sommet de la hiérarchie des sciences. Deux
traditions fondées sur le livre : la Bible d’un côté, les écrits
d’Aristote de l’autre concourent à cette vision des choses. La science est
alors considérée comme la méthode pour accéder à la Vérité que cette dernière
soit révélée (la Bible) ou bien qu’elle procède du raisonnement humain (écrits
d’Aristote). Une citation de Saint Thomas d’Aquin illustre bien cette
approche : « Je réponds que la théologie est une science. Mais il
faut savoir qu’il y a deux genres de sciences. Les unes procèdent de principes
connus par la lumière naturelle de l’intellect, comme l’arithmétique, la
géométrie, etc… Les autres procèdent de principes connus à la lumière d’une
science supérieure, …, à savoir la science possédée par Dieu et par les
bienheureux. » (Somme théologique). Cette définition très large de la
science sera abandonnée quelque temps plus tard. Quand aux critères pour
définir la science tels que celui de la réfutabilité, ils ne viendront que bien
plus tard au XXème siècle (Popper).
Ce billet
est largement inspiré des Eléments d’histoire des sciences, sous la direction
de M. Serres, Bordas.