mercredi 29 janvier 2014

Les conditions d'apparition de la science moderne (3/4)


·   Mouvement perpétuel / Choses créées une fois pour toutes
Au XVIIIème siècle, les occidentaux étaient créationnistes. Cette vision simplifie beaucoup la recherche du pourquoi et du comment des choses. Les concepts plus évolués, tel que ceux de l'équilibre dynamique et de l'évolution (Livre des Mutations), qui se sont avérés par la suite d'ailleurs beaucoup plus féconds, constituèrent une marche intellectuelle peut être trop haute à franchir d'un seul coup, alors que l'occident passa par des étapes plus frustres mais plus faciles à franchir. Le paragraphe sur la globalité et la systémique avait déjà abordé la question.

·   Sujet et objet confondus / Distanciation du sujet par rapport à l'objet
C'est surtout la peinture chinoise qui nous illustre le mieux ce concept d'interdépendance et d'interpénétration du sujet et de l'objet ou de l'environnement. Les sentiments du peintre et l'essence de la Nature sont en étroite communion. L'expression de l'âme du peintre se fait au travers de la représentation des paysages et du rendu de leur atmosphère. Chaque être humain est une flammèche issue du grand brasier qui symbolise l'humanité. Tous les êtres vivants et tous les éléments naturels sont interdépendants et sont l'expression d'une petite partie de l'Univers. Il n'y a pas de distanciation du sujet par rapport à l'objet, l'objectivation n'est pas réalisée. Mais on sait qu'une des caractéristiques fondamentales de la science occidentale est l'objectivité, l'objet étant pris comme thème d'étude par le sujet, ce qui pose d'ailleurs problème en anthropologie et ethnologie. L'élimination des sensations comme éléments pertinents dans la découverte des lois, car étant souvent trompeuses, a été le principal cheval de bataille du positivisme qui en son temps a bien contribué à l'avancée de la science. Encore une étape nécessaire et qu'il a fallu dépasser par la suite, mais une étape que n'a pas connu la Chine.
François Jullien (in "La grande image n'a pas de forme", 2003, p.194) l’exprime ainsi : "La Chine qui n'a cessé de penser l'immanence et le naturel, n'a pas conçu pour autant la nature comme notion propre et conférant à tout avènement extérieur à notre vouloir, mais qui n'est pas du hasard, selon les distinguos d'Aristote, un statut objectif. Or si, de son côté, l'Europe a pensé la nature comme terme unique c'est qu'elle l'a opposée à la technique... elle en a fait un objet à la fois de savoir et de maîtrise. L'Europe a tiré bénéfice de ce partage très, peut-être trop commode : la nature et par principe connaissable, donc aussi dominable, tandis que tout l'insondable se trouvait condensé et bloqué - économiquement - par la figure de Dieu; l'exploration de la nature, on le sait, c'est faite, dans la science classique européenne, adossée à Dieu et garantie par lui. Chez Descartes, l'idée de Dieu garantit la possibilité d'une science objective de la nature."


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